Le Parc (A. Preljocaj), saison 2005-2006

[haydn]

Aurélie Dupont a été magnifique, en compagnie de Laurent Hilaire, ce soir. Je vous en reparlerai bientôt... Patience.

[haydn]

En attendant les commentaires, voici les petits souvenirs habituels :

[haydn]

Retour sur la représentation d'hier soir, qui a vu les débuts d'Aurélie Dupont, en compagnie de Laurent Hilaire, remplaçant de Manuel Legris, malheureusement blessé.


De retour de Chine, Aurélie Dupont n'avait pu bénéficier que d'un très petit nombre de répétitions, et l'on pouvait se demander si le faible temps de préparation qui lui avait été - par la force des choses - ainsi accordé serait suffisant pour mettre au point les pas de ce Parc, certes dépourvu d'acrobaties spectaculaires, mais rempli de difficultés insidieuses. L'exercice était d'autant plus périlleux que Mlle Dupont ne travaillait pas avec son partenaire habituel.


En dépit de quelques petits problèmes au premier acte, on peut parler d'une très belle réussite, qui n'occulte en rien celle de Laetitia Pujol : elle la complète, en donnant un autre éclairage, très différent, au Parc. Seul Angelin Preljocaj lui-même serait en mesure de dire lequel correspond le plus exactement à ses intentions...

Voulant manifestement faire un sort à la réputation de ballerine brillante et lisse qui lui colle souvent à la peau, Mlle Dupont a abordé le Parc d'une manière totalement inattendue. Ni amante fragile, comme Laetitia Pujol, ni croqueuse d'hommes voluptueuse, à l'image d'Eleonora Abbagnato : avec Aurélie Dupont, l'ouvrage d'Angelin Preljocaj devient une véritable guerre de conquête, un combat quasiment viril, entre un Casanova roué, qui use de tous les artifices de la séduction pour tenter d'obtenir les faveurs d'une demoiselle qui en a vu d'autres et qui ne s'en laisse pas compter. Pour demeurer dans la métaphore mozartienne, on pourrait évoquer ici Don Juan et Elvire.

Et le jeu fonctionne merveilleusement bien. Elvire-Aurélie Dupont résiste, impassible, aux avances de Don Juan-Laurent Hilaire. Les deux protagonistes de ce duel à l'issue incertaine parviennent à créer une formidable tension dramatique, qui va crescendo tout au long de l'oeuvre, jusqu'à la scène finale du baiser, où tous les deux s'abandonnent à la passion, sans qu'il soit possible de déterminer le vainqueur de cette âpre lutte d'"homme à homme".


La manière magistrale dont Aurélie Dupont et Laurent Hilaire parviennent à véritablement construire cette chorégraphie sur le plan dramatique est le fruit d'un très grand professionnalisme, où le savoir-faire technique n'occulte jamais l'intensité de l'émotion. Le long enlacement conclusif prend ici tout son sens, et le sentiment de libération brutale des tensions accumulées précédemment produit sur le spectateur réceptif un effet proche de la transe, du sanglot convulsif. Mais jamais, au grand jamais, Mlle Dupont et M. Hilaire ne concèdent quoique ce soit à la sensiblerie. Qu'ils en soient remerciés.


Dans le corps de ballet, on remarquait tout particulièrement Séverine Westermann, qui se bonifie et gagne en théâtralité au fil des représentations. Christelle Granier reste égale à elle-même, d'une magnifique présence scénique. Chez les messieurs, on sentait un léger relâchement dans les ensembles du premier acte. Péchés véniels qui n'ont en rien gâté le plaisir que procure à chaque fois le si bel ouvrage d'Angelin Preljocaj.

[louvigné du dezert]

S'agit-il vraiment des débuts d'Aurélie Dupont dans Le Parc? Il me semble - mais l'erreur est humaine- qu'elle l'a déjà dansé vers 2002.

[haydn]

La formulation que j'ai employée était ambiguë, je voulais dire, les débuts d'Aurélie Dupont dans cette série de représentations. Mais vous avez parfaitement raison, Louvigné du Dézert, elle a dansé Le Parc lors de la reprise de 2002 à Bastille, déjà, à l'époque, avec Laurent Hilaire comme partenaire.

René Sirvin, le critique du Figaro, avait déjà accueilli cette prestation avec enthousiasme :

[Pierre]

L’oubli est un merveilleux handicap du cœur… Quel bonheur de revoir le Parc, et de le revoir à Garnier et non à Bastille.
La salle était comble. Sur le parvis, des anglais nous ont proposé de racheter nos places pour le double du prix… Non mais !

[haydn]

Et le spectacle, que les Anglais ont manqué? Nous attendons avec impatience vos impressions, Pierre!

[haydn]

Petit souvenir envoyé par Pierre :

[Pierre]

Maintenant que l’œuvre d’Anjelin Preljocaj nous devient plus lisible : Casanova, MC14/22, Le Songe de Médée, N, etc., il nous faut revoir le Parc avec un œil plus affûté et beaucoup plus sombre.

Tout d’abord comme nous l’a démontré Sophia, le Parc n’est pas un simple exercice de divertissement ; les trois actes racontent la comédie du rapport amoureux appuyés sur un matériau littéraire dense.

L’Amour est féroce, l’Amour est voluptueux, mais qu’Il fait mal !

De cette intense douleur, Aurélie Dupont nous a bouleversés hier soir.

Après l’étreinte tant désirée, mais tant redoutée, la tête cogne par trois fois le torse de Dom Juan Hilaire, à l’acte 2 et à l’acte 3, car elle sait que l’amour consume le désir et qu’il va la quitter pour une autre… Dans ce baiser ultime, il y a aussi la mort.

Bon bref, dramatiquement, cette œuvre est très très aboutie.

Musicalement, j’avais oublié combien les créations de Goran Vejvoda se mariaient bien avec Mozart. J’ai osé penser que le Parc était monté comme une Cantate de Bach, avec l’architecte/récitant (les jardiniers), et une succession de numéros. Nous avons le droit aux fugues, aux danses et à Dieu vers lequel on pointe le doigt…

Mallory Gaudion, Simon Valastro, Nicolas Noël, Adrien Bodet, les quatre jardiniers ont particulièrement bien dansé hier. Le pas de cinq du troisième acte, Rêve avec Melle Dupont, était époustouflant. Sauf mon respect pour Katharine, ce pas de cinq a une filiation avec la Sylphide et Giselle (Katharine, je suis désolé, pardonnez-moi )

Quant aux pas de deux, et bien évidemment, celui de l’Abandon, ils nous emportent vers le sublime.

Œil humide garanti. Il nous a fallu une Nuit Blanche pour atterrir ce matin…

[Azulynn]

Tout a été dit - Le Parc est une très belle oeuvre sur les jeux de l'amour, qui gagne vraiment en puissance au fil des "actes", et cet après-midi encore, Aurélie Dupont et Laurent Hilaire ont touché au sublime. Le pas de cinq avec les jardiniers (parfaitement coordonnés par ailleurs) était superbe, et que dire du dernier pas de deux ? C'est vraiment le point d'orgue du ballet, et lorsqu'ils tournoient enlacés, on est saisi par la beauté de l'instant et par la relation qu'ils savent créer sur scène. Laurent Hilaire est parfait en Don Juan, et Aurélie Dupont semble se donner totalement à son rôle, avec une gravité douloureuse, jusqu'à l'abandon final qu'on voudrait tant voir durer encore et encore, tant il nous touche profondément...

[Jonquille]

Je rejoins tout à fait les propos tenus sur Aurélie Dupont et Laurent Hilaire qui ont été sublimes ce soir. J'ai trouvé ce dernier particulièrement en forme, très expressif, très séducteur, très heureux de danser. Il faut dire que ce costume lui sied à merveille...

[Lanou]

Mes impressions, alors tout droit descendu de mon avion qui me ramenait d'Inde, sur la matinée du samedi 1er octobre: Bridard était absolument fabuleux, d'une présence stupéfiante, d'une beauté incroyable, et d'une puissance virile très solaire. Pujol n'a pas non plus démérité, même si j'ai été désappointé de retrouver certaines ressemblances avec la sylvia de la précédente saison, j'attendais parfois un peu plus d'originalité. Mais la technique est fort belle, tout de même.
Le lendemain, j'ai assisté à la représentation avec A. Dupont, qui joue (en tout cas, je l'ai ressenti ainsi) pour la énième fois, la carte de la jeune vierge effarouchée, plus tout à fait fille, mais pas encore tout à fait femme, je trouve ça lassant de toujours avoir l'image d'une personnalité lisse, alors que la chorégraphie inscrit quand même une certaine "bestialité" dans le rôle, et je trouve le couple Dupont-Hilaire assez disparate: L. Hilaire a justement cette animalité, ce côté très sexuel, même ne serait-ce qu'évoqué, et bien sur jamais montré. Voilà en tout cas, deux belles distributions, tout de même qui ne montrent pas les mêmes facettes des mêmes rôles.

[haydn]

Vous me permettrez de ne pas du tout partager votre opinion sur le Parc, Lanou. Il est vrai que je n'ai pas vu la distribution qui réunissait Laetitia Pujol et Yann Bridard (que j'ai en revanche vu avec Eleonora Abbagnato) et que le changement de partenaire a pu avoir certaines incidences.

Laetitia Pujol m'a enchanté, tout comme Aurélie Dupont, dont je ne suis pourtant pas un fan inconditionnel. Je n'ai pas du tout trouvé qu'elle jouait les vierges effarouchées, mais au contraire, ainsi que je l'ai écrit, qu'elle donnait à Laurent Hilaire une réplique presque virile, dépourvu de sentimentalisme fade. Mais nous avons le droit de ne pas être d'accord

[haydn]

Avec du retard, mais comme vous avez déjà pratiquement tout lu, la critique "officielle" du Dansomaniaque, rituel auquel il faut bien sacrifier pour maintenir le site à jour!


La critique du Dansomaniaque est ICI


(Et comme toujours accessible via la rubrique "Critiques de spectacles" du site http://www.dansomanie.net/ )

[haydn]

Je rajoute ici la photo postée par Lolo pour éviter de multiplier les fils sur le même sujet :