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doudou
Inscrit le: 03 Mai 2005 Messages: 1128 Localisation: PARIS
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Posté le: Ven Mar 09, 2007 12:59 pm Sujet du message: |
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Quelques réactions après cette longue soirée.
C'est toujours un plaisir et une émotion d'assister au défilé du ballet et cette soirée a commencé sous les meilleurs auspices.
Certes la cérémonie de remise des prix Dan David était un peu longuette et mondaine malgré la volonté de donner un rythme avec les clips, j’ai toutefois trouvé émouvante l’intervention de Zubin Mehta et apprécié le texte de Jacques Le Goff lu par Claire Chazal.
Pour ce qui concerne le ballet de Roland Petit, mon impression d’ensemble est un peu réservée. Comme les intervenants précédents, j’ai plutôt apprécié la première partie et notamment les pas de deux. La seconde partie était moins à mon goût même si les prestations des danseurs étaient très intéressantes en elle-même. Cette succession de vision et d’instants manque un peu de liant et c’est donc la structure du ballet qui me paraît plutôt à blâmer que la chorégraphie, qui est du Petit de bonne facture (J’ai un avis contrasté sur les œuvres de Roland Petit, certaines me plaisent beaucoup, d’autres m’ennuient terriblement). Souvent présenté comme un maître du ballet narratif, le chorégraphe n’a pas vraiment réussi ici à créer un ballet mais plutôt une succession de scène dont on ne comprend pas vraiment la logique. Etait-il réellement possible de porter à la scène une œuvre aussi particulière que celle de Proust.
En revanche j’ai apprécié l’orchestre et le choix de musique qui change un peu des œuvres de fosse dévolues traditionnellement au ballet. Certes le Rienzi final était un peu décalé, mais quelle joie d’entendre de la musique française, même si le passage de la musique de chambre à des morceaux plus symphoniques peut un peu surprendre par moment.
Etonnant quand même, il existe de la musique française. et l'orchestre de l'opéra sait échapper à la chape de plomb du style internationalo-teuton qui domine la vie musicale actuelle.
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22087
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Posté le: Ven Mar 09, 2007 2:23 pm Sujet du message: |
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Paco a écrit: |
Au global j'ai passé une agréable soirée, mais n'y retournerai sans doute pas |
"Agréable" n'est pas vraiment le terme que j'emploierais en ce qui me concerne, même si l'on a vu bien pire (le problème était probablement la longueur de la soirée, où l'on finit par avoir du mal à contrôler d'autres besoins... ). En revanche, là où je suis de tout coeur avec Paco, c'est pour ne pas souhaiter y retourner moi non plus... Cela dit je crois aussi que depuis la Soirée-Défilé (dans tous les sens du terme) de septembre dernier qui ouvrait la saison, j'ai contracté une certaine allergie pour ce genre de manifestation où le public est davantage constitué de spectateurs en représentation, et très occasionnels, que de vrais amateurs... Désormais, je serai prévenue, si d'aventure l'on nous ressert ça la saison prochaine...
La "Soirée de gala à l'occasion de la remise des Prix Dan David", puisque tel en était l'intitulé, s'ouvrait donc par le Défilé du Corps de Ballet. Morne défilé - même si c'est toujours un plaisir réel d'y assister - à l'image de celui de septembre dernier qui avait lieu dans des conditions de représentation assez semblables, et qui n'a recueilli que des applaudissement trop polis; il est vrai toutefois que le public s'est tout de même bien réveillé à l'arrivée de ces messieurs... Pourtant, c'était hier la Journée de la Femme, non?...
Au Défilé a succédé une interminable Remise de Prix présentée par une Claire Chazal qui avait l'air à peu près aussi enthousiaste que nous spectateurs... Bons sentiments à la pelle, politesses à n'en plus finir, on s'est aussi sentis un peu piégés quand même... Bon, et le ballet, ça commence quand?...
Deux heures après le début de la soirée a donc pu se faire (enfin) entendre la musique d'ouverture - au titre vaguement prémonitoire - de Proust ou Les Intermittences du coeur, extraite du Carnaval des Animaux de Saint-Saëns. Les deux actes du ballet de Roland Petit, construits en un savant diptyque en miroir (euh, je rigole...) s'intitulent très modestement Quelques images des paradis proustiens / Quelques images de l'enfer proustien. Inutile de préciser que le ballet en général a autant à voir avec Proust que La Bayadère avec l'Inde, Don Quichotte avec l'Espagne, etc... Et encore, ma comparaison n'est peut-être pas très judicieuse, dans la mesure où Petipa, lui, n'avait en aucun cas l'ambition de faire oeuvre réaliste, mais construisait, en vrai romantique, un fantasme ou un rêve... Petit, pour ce qui le concerne, ne cherche pas à raconter La Recherche il est vrai, ou même à l'illustrer, il tente, si j'ai bien compris, d'en traduire l'esprit, d'en donner des "impressions", comme si l'univers proustien, univers avant tout et même exclusivement fait de papier, univers de la réminiscence, univers métaphorique, où seul le mot parvient à exprimer la sensation, pouvait devenir oeuvre chorégraphique, qui plus est réduite à quelques thèmes faciles. Que l'on ait lu ou pas Proust, peut-on simplement regarder ce spectacle comme un pur divertissement, sans se poser la question du sens de ce que l'on voit? Car Proust, je suis désolée, ce n'est pas La Dame aux camélias...
Reste évidemment le reste: les interprètes (irréprochables), la scénographie (qu'en dire sinon qu'elle est d'un terne à pleurer, même pas de pompe-fin-de-siècle dont on pourrait au moins se délecter...), la chorégraphie (quand même pas fameuse), etc... Comme chacun sait, il est plus aisé de peindre l'enfer que le paradis, mais paradoxalement, si le premier acte est tout de même plus convaincant (et surtout moins ridicule) que le second, j'y ai éprouvé plus d'ennui aussi ... Malgré l'excellence de Christophe Duquenne et Laura Hecquet dans "La Petite Phrase de Vinteuil", qu'y a-t-il d'autre dans la chorégraphie que arabesque/pirouette/développé devant ou à la seconde/porté??... On aura apprécié, la fraîcheur de Mathilde Froustey, véritable jeune fille en fleur, dans le trop court solo des "Aubépines" ainsi que le duo Eve Grinsztajn/Alexis Renaud incarnant respectivement Odette et Swann "faisant catleya". En revanche, le fameux Pas de deux de la Prisonnière, qui est tout de même l'acmé chorégraphique du ballet, même s'il est en soi très bien dansé par Eleonora Abbagnato et Hervé Moreau, peine à convaincre et surtout à émouvoir, faute de passion sans doute... Il manque incontestablement une dimension, une âme peut-être, un mystère, et j'avoue, comme Paco, avoir eu plus d'émotion à voir ce pas de deux représenté lors du Gala des Etoiles du TCE (sans pourtant être fan du couple Cyril Pierre-Lucia Lacarra) qu'hier soir dans un contexte plus propice...
Dans la peinture des enfers proustiens, on n'hésitera pas à dire que le chorégraphe sombre dans quelque chose de pas très éloigné du ridicule, recourant aux clichés les plus éculés de l'érotisme fin-de-siècle: lumières forcément rouges de la maison close, filles lascives, genre danseuse de can-can après le can-can, étendues sur des canapés - rouges eux aussi - et tout droit sorties de quelque représentation d'Almanach Vermot, "pas de quatre" en ombre chinoise (on est dans Emmanuelle ou quoi? et version téléfilm svp... ), bordel SM aux Musclor et Louchebems de service (ambiance Querelle de Brest, mais là où un Fassbinder savait faire preuve de second degré dans sa réappropriation des poncifs homo-érotiques, on ne trouve là que du kitsch et strictement aucune distance!)... Bref, on a du mal à savoir si l'on doit rire ou simplement être consterné, le pire étant quand même atteint avec le final, sur la musique de Wagner - celle de Rienzi - une scène oscillant entre pathétique et grand-guignol, réunissant une Duchesse de Guermantes gesticulant sans fin (on dirait plutôt la Verdurin, future Princesse de Guermantes, qu'Oriane...), Proust himself comme posant pour un portrait officiel (et qui finit par s'élever dans les cieux, en une sorte d'apothéose, ou je n'ai pas bien compris, please, explain to me?????!!!!...) et toute la galerie des personnages principaux de La Recherche (à ce sujet, on a comme l'impression que Roland Petit réutilise constamment les mêmes effets, car j'ai cru voir dans ces pantins désarticulés aux visages blâfards de petit matin de fête la dernière scène de La Dame de Pique...). Ce deuxième acte se présente donc un peu comme un modèle, voire un monument de kitsch, au sein duquel se détachent tout de même les belles performances des danseurs-interprètes, parmi lesquels je citerai d'abord Stéphane Bullion, qui est celui qui m'a le plus impressionnée avec Manuel Legris, absolument méconnaissable, notamment dans la première scène de l'acte II, intitulée, assez joliment d'ailleurs, "Mr de Charlus face à l'insaisissable". Je trouve justement que Stéphane Bullion dans le rôle de Morel a, en plus d'une belle virtuosité du bas de jambe, cet espèce de détachement un peu inquiétant qui sied idéalement au rôle. Et dans le pas de deux du "Combat des Anges", je l'ai préféré à Mathieu Ganio, qui danse certes magnifiquement, mais manque un peu à mon goût de puissance et de force dans le rôle de Saint-Loup.
Que reste-t-il après coup de tout cela, le lendemain de ce qui ne fut pas vraiment une fête? L'envie d'aller voir, revoir Don Quichotte ce soir... Avec Laetitia Pujol et Nicolas Le Riche.
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wagneriano
Inscrit le: 08 Juil 2005 Messages: 213 Localisation: Rome
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Posté le: Sam Mar 10, 2007 2:15 am Sujet du message: |
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Citation: |
je l'ai préféré à Mathieu Ganio, qui danse certes magnifiquement, mais manque un peu à mon goût de puissance et de force dans le rôle de Saint-Loup. |
Oui, mais Saint-Loup est aussi un etre très fragile, peut-etre le plus fragile que l'on rencontre dans l'ouvrage de Proust. Il ne s'assume que très tardivement, et finalement il se laisse tuer sur le champ de bataille.
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22087
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Posté le: Sam Mar 10, 2007 10:14 am Sujet du message: |
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Dans l'édition du vendredi 9 mars du Journal de 20h de France 2, un petit reportage sur Proust ou Les Intermittences du coeur avec les commentaires d'Eleonora Abbagnato et Roland Petit (20h 29min 29sec):
http://jt.france2.fr/20h/
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Jonquille
Inscrit le: 22 Avr 2005 Messages: 1796
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Posté le: Dim Mar 11, 2007 12:29 am Sujet du message: |
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Je ferai globalement les mêmes remarques que les Dansomaniaques sur ce ballet qui n'est pas à proprement parler un ballet mais plutôt une série de vignettes, belles parfois, ennuyeuses aussi.
J'ai assisté à deux représentations, le gala du 8 mars, et la soirée "ordinaire" du 9 mars. J'étais mieux disposée le 9 étant mieux placée et n'ayant pas eu à supporter auparavant une remise de prix qui a duré une heure et dont je n'avais que faire...
La plupart des pas de deux m'ont plu (sonate de Vinteuil, Morel/St Loup...) mais ils trouveraient mieux leur place dans une soirée comme le Gala des Etoiles du TCE qu'additionnés pour former un ballet.
La deuxième partie est trop longue et j'ai peu "goûté" les parties SM de Charlus, en dépit d'interprétations intéressantes de Manuel Legris et d'Aurélien Houette.
Et quel dommage de sous-employer le corps de ballet féminin et surtout masculin. Pauvres Sujets réduits à de la simple figuration pour applaudir ou hocher la tête !
On a tout de même eu la joie de voir des interprètes formidables : Isabelle Ciaravola en Albertine, Mathilde Froustey en Gilberte, Caroline Bance en Andrée, Mathieu Ganio en St Loup ainsi que Yann Saïz dont le retour est fort bienvenu. J'ai trouvé le couple Alexis Renaud/Eve Grinsztajn particulièrement convaincant de même que Stéphane Bullion, qui est loin d'être mon Sujet préféré, mais qui fait des miracles en Morel.
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pedro
Inscrit le: 12 Déc 2004 Messages: 208
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Posté le: Dim Mar 11, 2007 9:23 am Sujet du message: |
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Je vous trouve bien sévère, Sophia avec Roland Petit. Bien sûr, la Recherche est d'une essence litteraire intraduisible mais que ce monument fascine et tente des créateurs d'un autre medium c'est comprehensible. Pensons aux illustrations de Van Dongen et à la (presque) réussite du cinéaste Ruiz par rapport au ratage de son confrère Schlöndorf. Petit se sent fraternal de Proust, il fallait bien qu'il l'aborde. Qui n'a pas lu Proust (ça n'est pas votre cas, Sophia, je pense)ne peut rentrer dans l'émotion puisqu'elle est à bas de reminiscence. C'est la deuxième ou mieux la nième fois qui émeut Marcel. Que disent les aubépines, le catleya, la "petite phrase" aux spectateurs de l'Opéra s'ils ne sont pas dans la connivence? Oui, il y a des faiblesses dans les décors, dans le finale qui bascule dans un expressionisme bien peu proustien, également dans un certain exhibitionisme mais qui est, lui, partie intégrante du pathétisme de Roland Petit; laissons-lui à lui aussi ses obsessions de créateur. En revanche la chorégtraphie me semble à certains moments très forte. La scène du genre "je t'aime, moi non plus" entre Charlus et Morel me semble exemplaire dans le dialogue serré de deux personnages, tricoté du tac au tac sur les coups d'archet du quatuor de Beethoven. Du jamais vu pour moi dans l'éloquence d'un dialogue chorégraphique; de même l'autre dialogue Odette-Swann où s'expriment tant de contradictions avec tant de délicatesse et ou excelle Bruno Boucher que j'avais oublié de citer dans mon précédent texte.
Non, je ne vous suivrai pas, Sophia, pour revoir ce Don Quichotte si pompier, sauf pour le pas de deux dansé par Thibault et Ould Braham mais je retournerai plutôt du coté de chez Proust pour découvrir les nouvelles distributions et surtout Isabelle Ciaravola-Albertine. A suivre.
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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26523
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Posté le: Dim Mar 11, 2007 11:24 am Sujet du message: |
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Je retournerai aussi voir Isabelle Ciaravola, dont je n'ai entendu que des louanges au sujet de son Albertine, Pedro. Mais je ne manquerai pas non plus les dernières représentations de Don Quichotte, pompier ou pas. En ce qui concerne la musique de ce ballet, certes, Minkus n'est pas Tchaïkovsky, loin s'en faut. Mais c'était tout de même un artiste compétent, qui enseignait la composition au Conservatoire impérial de Saint-Pétersbourg, qui n'était pas l'institution la plus "provinciale" en la matière.
Le gros problème de la version Nouréev, c'est - pardon de radoter - le sinistre arrangement réalisé par John Lanchbery, où l'on a notamment rajouté des instruments tels les woodblocks, les xylophones et force castagnettes et sifflets qui n'ont rien à voir avec la partition d'origine, et qui transforment un ballet honnête en musique de cirque.
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Canari
Inscrit le: 31 Mar 2006 Messages: 93 Localisation: Chartres
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Azulynn
Inscrit le: 13 Nov 2004 Messages: 659
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Posté le: Mer Mar 14, 2007 2:04 pm Sujet du message: |
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Critique (toujours aussi lyrique...) de la deuxième distribution sur Altamusica, sous la plume de Gérard Mannoni : Proust (2) : Tours de rôle du côté de chez Swann
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Cette fois encore, il y a d’abord Manuel Legris et Hervé Moreau, qui, incarnant de nouveaux personnages, montrent leur capacité faire exprimer à leur danse des nuances aussi subtiles que celles d’une composition de théâtre dramatique. Du Charlus névrotique, pervers et vieillissant, Legris est passé au jeune Proust, fluide, poétique, séduisant, du célèbre pas de deux La regarder dormir.
Métamorphose totale, à laquelle peuvent seuls parvenir les plus grand interprètes. Passant de Proust jeune à Saint-Loup, Hervé Moreau change moins d’emploi, mais parvient grâce à la subtilité et à l’intelligence de sa danse, à être différent, à incarner une autre forme de jeunesse avec un arrière-plan psychologique et même social différent.
Stéphane Bullion, toujours excellent en Morel, lui donne une parfaite réplique dans le Combat des anges notamment. Très belle, jambes et pieds superbes, Isabelle Ciaravolla campe une Albertine brune très convaincante, à la danse facile et expressive. Béatrice Martel a beaucoup de chic et de prestance en Madame Verdurin et Madame de Guermantes. Chic et prestance aussi, avec du charme et une danse très accomplie pour le Swann de Bruno Bouché, avec la délicate Odette de Christelle Granier. |
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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26523
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Posté le: Mer Mar 21, 2007 11:06 am Sujet du message: |
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La concurrence va être rude, avec Pierre Combescot (Luc Décygnes), passablement émoustillé par ce Proust, et dont le nouveau credo, dans le Canard enchaîné, à la laïcité pourtant revendiquée, semble être "Abbagnato étoile!".
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La troupe de l'Opéra se montre encore une fois magistrale. Stéphanie Romberg [...] est de grande classe. Mathieu Ganio en fin loup et face à lui Stéphane Bullion en Morel, le violoniste un peu gigue, se tournent autour avec grâce. Albertine, cette Eleonora Abbagnato, elle, a les étirements du chat et possède se pollen printanier des fleurs vénéneuses. Chacun de ses geste est placé. Elle a l'art du "rubati" [sic]. Depuis longtemps on aurait dû la nommer étoile. Hervé Moreau, avec son immense talent, toujours plus raffiné, toujours plus précis, installe le personnage du jeune Proust en amoureux. |
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wagneriano
Inscrit le: 08 Juil 2005 Messages: 213 Localisation: Rome
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22087
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Posté le: Mer Mar 21, 2007 7:25 pm Sujet du message: |
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Merci Wagneriano. Je me permets simplement de rétablir un lien vers l'article du Monde, car celui que vous avez mis ne fonctionne pas
Roland Petit décline le désir amoureux proustien
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Proust en deux heures de ballet ! C'est possible avec le "digest" Proust ou les intermittences du coeur, signé par Roland Petit en 1974 et qui fait son entrée au répertoire du Ballet de l'Opéra de Paris. Cette version sans complexe, ultraresserrée, d'A la recherche du temps perdu laisse d'abord perplexe, mais finit par emporter l'adhésion. Le choix d'un angle extrêmement précis - celui du désir amoureux, du choix sexuel - accule dans une voie étroite, des situations chaudes et des trouvailles gestuelles non moins brûlantes.
Sur ce terrain, Roland Petit n'a jamais eu peur de rien. Il possède la fougue et la liberté chevillées au corps, mais aussi le talent incisif pour en traduire les impulsions mordantes et les rythmes physiques sur scène. Aussi emphatique qu'il soit (et il l'est souvent) avec ces corps en extension, il met dans le mille. Déjà en 1949, sa Carmen, hautement sexe dans ses acrobaties, tricotait un jeu de jambes mortel.
Avec Proust ou les Intermittences du coeur, il fonce et lève tous les lièvres. Amours entre jeunes filles ou jeunes hommes en fleurs, vieux beau en pleine crise hystérique devant un danseur trop attractif, adepte de sado-maso en quête de mecs à moustaches et de sévices bien musclés... Tous les motifs du désir et du sexe, version "paradis et enfer proustiens" selon Petit, se déclinent par le biais de treize tableaux, sans lien entre eux pour la plupart.
DRÔLERIE MOQUEUSE
Etrangement, compte tenu des codes néoclassiques et de l'époque de création, la chorégraphie réussit à évoquer le sexe sans jamais illustrer crûment les choses. Décalée mais explicite, toujours extrêmement plastique et même décorative, elle déroule des enchaînements de pas torsadés, des imbrications de corps improbables, parfait Kama-sutra gymnique qui n'en produit pas moins des effets troublants. Elle s'offre même parfois le luxe d'accents de drôlerie moqueuse, franchement un peu comiques pour les spectateurs d'aujourd'hui. |
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wagneriano
Inscrit le: 08 Juil 2005 Messages: 213 Localisation: Rome
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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26523
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Posté le: Jeu Mar 22, 2007 1:09 am Sujet du message: |
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Quelques mots sur la représentation de ce 21 mars, qui était pour moi l'occasion de découvrir la seconde distribution de Proust. Et quel contraste!
Isabelle Ciaravola - pour laquelle je n'ai jamais caché mon admiration, j'en conviens aisément - est une Albertine toute de charme et de finesse, qui compose son personnage par petites touches ; tout est allusif, suggéré, sans vulgarité et avec un sens inné du romanesque. Là, nous pénétrons véritablement dans l'univers proustien, où sexualité et sensualité, si elles sont présente, demeurent en arrière-plan, ne s'imposent jamais. La danse de Mlle Ciaravola est pudique sans être prude, sa gestuelle douce, évanescente. Du grand art.
Et l'on retrouve quasiment les mêmes qualités chez Mathilde Froustey, absolument magnifique aux côtés de Christophe Duquenne - un danseur qui, comme Karl Parquette, possède la faculté rare de s'adapter à quasiment tous les types de partenaires -. Là aussi, les mouvements sont diaphanes, insaissisables, et transcendent - ou rendent tout simplement justice - à la chorégraphie de Roland Petit dans la Petite phrase de Vinteuil.
Cette seconde distribution avait le grand mérite de l'homogénéité, et la Gilberte de Laurène Lévy s'inscrivait elle aussi dans cette veine, exempte de vulgarité, même si elle ne possède pas encore la même expérience de la scène que ses deux ainées.
Autre moment fort du premier acte, le duo qui met aux prises Albertine (Isabelle Ciaravola) et Andrée (Christelle Granier), sur la délicate musique de Syrinx, de Debussy. Là aussi, les deux interprètes composent leur personnage par petites touches, en affichant une grande sensibilité à l'univers sonore subtil et agreste créé par la flûte solo.
Manuel Legris, un peu à contre-emploi en Proust Jeune, convainc néanmoins lui aussi par la qualité de sa danse et sa forte présence scénique.
Eve Grinsztajn et Alexis Renaud ont pour leur part confirmé la bonne impression qu'ils avaient laissée lors des représentations précédentes - ils figuraient également à l'affiche de la première distribution - et ont vu leurs efforts récompensés par des applaudissement généreux.
Certes, les faiblesses de la chorégraphie n'ont pas disparu du second acte: poncifs de la scène du lupanar, érotisme bon marché de la "rencontre fortuite de l'inconnu" ou pompeux finale sur la musique martiale de Rienzi. Mais là aussi, des prestations de haut vol ont largement fait oublié ces insuffisances.
Dès le lever de rideau, on aura été bluffé par le Charlus d'Aurélien Houette, drôle, distancié, qui nous a gratifiés d'un splendide duo, aux côtés d'un Stéphane Bullion joueur, piquant, prenant le recul nécessaire. Le fugace pas de deux qu'est le VIIIème talbeau, "Monsieur de Charlus face à l'insaississable" prenait ici tout son sens. Les interpètes y ont également fait preuve d'une grande musicalité, et l'on saluera au passage l'excellence de l'exécution qu'on donné les solistes de l'orchestre de l'Opéra du scherzo du 14ème quatuor de Beethoven, particulièrement difficile sur le plan technique.
En Saint-Loup, on retrouvait Hervé Moreau, Proust Jeune dans la première distribution, et qui s'est également avéré plutôt convaincant dans ce rôle, qu'il restitue de manière plus sombre, tourmentée que Mathieu Ganio.
Enfin, dans le corps de ballet, on mentionnera plus particulièrement Florian Magnenet (méconnaissable avec ses cheveux gominés, j'avoue avoir été saisi d'un doute pas entièrement levé,!), plus âpre que d'ordinaire, Amandine Albisson en prostituée aguicheuse, ou encore Samuel Murez, à la personnalité si affirmée.
Bref, une bien belle soirée qui m'aura permis de me réconcilier avec ce Proust a priori peu "proustien" de Roland Petit.
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bwv582
Inscrit le: 25 Juin 2005 Messages: 40 Localisation: Strasbourg
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Posté le: Jeu Mar 29, 2007 2:11 pm Sujet du message: |
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Je me suis senti "un peu seul" hier à Garnier... tout le monde était à Bastille ! Je voyais pour la troisième fois Proust, n'ayant prévu que 2 Don Quichotte (samedi avec Thibault / Ould-Braham et dimanche avec Bélingard (!) / Pujol), mais j'ai des excuses (je suis loin, j'étais parti au Met début mars - me faisant manqué la représentation du 4).
Pour en revenir à Proust, la première distribution (Abbagnatto / Moreau, Bullion / Legris / Ganio) l'emporte largement sur la seconde (Ciaravolla / Legris, Bullion / Houette / Moreau).
J'ai eu du mal avec la première partie - un peu moins hier - et j'en suis revenu alors à mes premières amours, à savoir la musique. La prestation de l'orchestre, et surtout de la harpe, du quatuor à corde et de la flute, était remarquable. L'unité de ce "ballet" ne repose que sur le choix fort judicieux des musiques écoutées par Proust. Duquenne gagne visiblement depuis qu'il est premier danseur, et Hecquet confirme nos espoirs. Quant au pas de deux final, j'ai été beaucoup plus sensible à E. Abbagnatto / H. Moreau qui avaient plus de juvénilité que I. Ciaravolla / M. Legris, indépendamment de la qualité de l'interprétation elle-même, remarquable dans les deux cas.
Les images de l'enfer avaient plus d'intérêt à mes yeux - et à mes oreilles. S. Bullion était remarquable de précision et d'expression, ce qui a pour le moins manqué hier à A. Bezard, la danse était moins enjouée et surtout moins précise dans la petite batterie et les brisé-volés (mais il avait répété initialement Espada et est venu comme remplaçant pour les deux dernières). Comparer M. Legris et A. Houette est une gageure. Aurélien s'est fort bien défendu dans le rôle de Charlus, mais... Je pense qu'il aurait fallu le voir en premier, car Manuel est époustouflant en vieillard lubrique. Enfin, M. Ganio semblait plus "fragile" que H. Moreau.
Le corps de ballet a un rôle "décoratif". On peut noter toutefois les prestations de G. Dominiak soit au X soit au XI.
Ce ballet de prime abord "difficile" a gagné au fil des représentations, en grande partie grâce à la musique de Fauré, Debussy et Saint-Saëns et à son interprétation.
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