Balanchine - Brown - Bausch, ONP, 10/12-31/12 2010

[haydn]

Présenter Pina Bausch, bien qu'elle refusât qu'on lui accolât l'étiquette de "féministe", comme une apologiste du machisme me parait pour le moins capilotracté, pour ne pas dire carrément fallacieux...

[masha]

Pina Bausch ou pas, cette oeuvre vieillit mal. Je pense que ce qui était lisible en 75 ne l'est plus actuellement.

[medora]

pour moi, cette oeuvre n'a pas vieilli, on pourrait presque maintenant la considérer comme intemporelle... et je suis heureuse de voir qu'elle a touché un grand nombre de spectateurs à Garnier...

[haydn]

Tout à fait d'accord avec vous medora. Je trouve aussi que le Sacre, dansé hors du contexte de militantisme féministe justement (je maintiens fermement qu'il est absurde de suspecter Pina Bausch de complaisance machiste, désolé de vous contredire, Masha), de la création, en 1975, a très bien résisté à l'épreuve du temps.

[frederic]

Il me semble Masha que vous voulez à tout prix plaquer une grille de lecture, certes très élaborée, mais qui au bout du compte éloigne de l'oeuvre. ET pour ma part, je ne vois rien de "daté" dans le Sacre selon Pina Bausch. Maintenant, s'il s'agit de dire qu'il y a sur terre des hommes et des femmes, on ne peut que vous rejoindre!...Pour moi, en tout cas, je rejoins Sophia: cette pièce reste un chef d'oeuvre....
PS: écrit de Stockholm où Sylvie Guillem créait un solo de 20 minutes écrit pour elle par Mats Ek. Cette pièce devrait venir au Sadlers'wells cet été....

[Lulu]

Représentation du Mardi 14 decembre 2010:

Apollon, chef d’œuvre de la danse, programmé à travers le monde entier, était bien décevant. Les applaudissements du public à la fin étaient vraiment poussifs. Manque d’énergie, de connivence entre les protagonistes, et apparemment de répétitions!
Le couple d’Etoiles Letestu/Leriche était mal assorti. Lui était parfait, puissant, beau comme un dieu, au sex-appeal indéniable et à la technique sans faille (même sa chute avait une certaine élégance). Elle au contraire ne m'a pas du tout convaincu, elle nous a donné ce soir le minimum syndical. Et pour la sensualité et le sex-appeal si cher à Balanchine, vous repasserez… N’est pas Suzanne Farrell qui veut !
L’interprétation et le physique des deux autres muses: Aurélia Bellet et Ludmila Pagliero contrastaient vivement. Aurelia Bellet était vivante, brillante et Ludmila Pagliero est définitivement une danseuse à suivre!
On pourrait bien sur débattre longuement sur les versions différentes de ce ballet. Qui m’a paru tout de même trop propret et pas assez moderne dans l’exécution comparé à la mise en scène choisie, très sobre, contemporaine.
Mais là où je ne suis plus du tout, c’est le tempo de la partition de Stravinski !!! Le Ballet de l’Opéra de Paris a la réputation de danser tout très lent, pour ne pas dire trop lent. Mais pour les œuvres de Balanchine c’est un vrai sacrilège. Ce chorégraphe mettait un point d’honneur à chorégraphier et faire danser ses ballets au tempo exact, écrit par le compositeur sur la partition. Cette lenteur rend la pièce lourde, sans peps et installe les danseurs dans un confort incongru.
De plus le programme stipule: Les représentations d’Apollon sont données avec l’accord du George Balanchine Trust SM, conformément aux normes d’exécution relevant du style Balanchine ainsi que de la technique Balanchine qui sont établies et fournies par le Balanchine trust. Chercher l’erreur, Balanchine et Stravinski doivent se retourner dans leurs tombes!

O Zlozony / O composite m’a paru plus long que le Sacre, alors qu’il dure moins longtemps! La première fois que j’avais vu cette pièce avec Aurélie Dupont, Nicolas Leriche et Manuel Legris, j’avais trouvé le ballet assez intéressant (apparemment c’était dû au charisme des trois stars). Mais cette fois cela m’a paru un peu vide et démodé : genre danse expérimentale des années soixante-dix. Isabelle Ciaravola est tout de même une artiste magnifique, que j’aurai surement préférer voir dans Terpsichore avec Nicolas Leriche.

Le Sacre du Printemps de Pina Bausch est aussi comme Apollon un chef d’œuvre de la danse. C’est toujours aussi bouleversant, même si parfois les corps sculptés et la beauté des artistes de l’Opéra trahissent une école et un entrainement physique qui enlèvent ce côté cru, brut, voire primitif, qui transpire lorsqu’on découvre cette œuvre par la compagnie de Pina Bausch.
J’ai pu lire plus haut une comparaison avec la version de Preljocaj. C’est tout de même comme comparer un Picasso a une peinture de chez Ikea! Et je rejoins aussi Haydn: il est complètement absurde (car ce serait mal connaitre Pina Bausch) de la suspecter de complaisance machiste!
Qu’on aime ou qu’on n’aime pas ce ballet, je pense malgré tout qu’elle laissera une empreinte bien plus importante dans l’histoire de l’art chorégraphique que Preljocaj. Elle a poussé, en son temps, des limites qui sont encore aujourd’hui saisissantes. Et fait, pour moi, de ce ballet une œuvre intemporelle.

Le Sacre emballe in extrémis cette soirée BBB (comme Bof...) qui au final est assez courte et pas très consistante. On reste un peu sur sa fin.

[LucyOnTheMoon]

[sophia]

Surtout qu'à mon avis les qualificatifs "plus beau, plus moche, plus jeune, plus vieux", etc... n'ont pas vraiment lieu d'être ici. On est clairement dans une esthétique de la dépersonnalisation, héritée de la danse expressionniste allemande. Et les "stars" en lice, Wilfried, Eleonora, Alessio, etc..., même si on peut éventuellement les reconnaître (à peine, je dirais...), sont censés disparaître dans cette dynamique collective qu'engage ce Sacre (attention, point Godwin à l'horizon!...).

[haydn]

Si j'avais pensé que "plus vieux" ou "plus moche" visait une personne, je l'aurais censuré sans pitié, mais là, j'ai estimé - j'espère à raison - que masha visait le personnage, et non celui qui l'incarnait.

J'ai compris, même si je suis en désaccord complet avec masha, qu'elle considérait que l'élue etait en quelque sorte offerte en pâture au mâle, incarnation du Mal.

[nabucco]

[sophia]

Toujours à propos de Pina Bausch, le film (en 3D) que Wim Wenders lui a consacré (et dont on ne savait pas trop s'il sortirait finalement) sera présenté hors-compétition à la prochaine Berlinale, en février 2011.

[laurence]

Fellini "ce que je crois ? je crois à ce qui m'émerveille" et il avait un grand émerveillement pour Pina...
Quand Pina chorégraphie "Le Sacre" c'est un mythe qu'elle chorégraphie et non pas une contingence comme le fait Preljocag. Le mythe, par essence universel peut être vu avec les yeux du réalisme mais on se trouve alors dans une sorte d'impasse, on ne peut pas descendre plus bas. Le chorégraphe nous fige dans sa vision un peu "totalitaire" bien que le mot soit un peu fort.
Pina, elle laisse notre imaginaire libre et cela se voit aux mouvements de ses danseurs. C'est une vision de l'humanité et non pas l'écriture dansée d'une tournante...

[serge1 paris]

La sortie du film de Wenders est une excellente nouvelle.

Le projet a probablement été modifié car il n'a pas pu filmer tout ce qu'il aurait voulu avec Pina Bausch.

Mais il me semble avoir lu qu'il a filmé l'intégralité du Sacre...

[sophia]

L'article du Monde oublie quasiment la première partie du spectacle pour ne parler que du Sacre.

Serge1, je vais retrouver la bande-annonce du film de Wim Wenders, mais il me semble qu'on voit en effet un bout du Sacre.

[sophia]

Et voici : http://criterioncast.com/2010/12/17/wim-wenders-premiering-new-film-at-the-2011-berlinale-new-trailer-poster-and-images-hit-the-internet/