menu - sommaire



critiques et comptes rendus
Ballet du Capitole de Toulouse

07 - 08 octobre 2010 : L'Oiseau de feu (M. Rahn) / Le Sacre du Printemps (M.Wainrot)


ina lesnakowski la femme sacre du printemps
Juliette Thélin (L'Elue) dans Le Sacre du Printemps, chor. Mauricio Wainrot

En raison de la concomitance des représentations de La Bohème au Théâtre du Capitole, le spectacle est donné dans la Halle aux grains. Pour la même raison l’orchestre est remplacé par une bande enregistrée, de médiocre qualité qui plus est. Une fois de plus, nous ne pouvons que regretter cet état de fait. Comment rendre justice dans ces conditions aux mélodies soyeuses et aux rythmes tranchants de deux œuvres-phare de Stravinski? L’effort qui est fait à Toulouse en faveur du ballet doit-il se payer par l’inconfort des danseurs qui doivent, soulignons-le, enchaîner cinq représentations en quatre jours ou par celui des spectateurs à qui on propose des places à mauvaise visibilité? Le public, chaque année de plus en plus nombreux, jeune et enthousiaste, mérite enfin une vraie salle destinée à la danse. Peut-on espérer que cet appel soit entendu?

henrik_viktorin_kastchei_evelyne_spagnol_oiseau
Henrik Victorin (Kastcheï) et  Evelyne Spagnol (L'Oiseau) dans L'Oiseau de feu (chor. Michel Rahn)

La version de Michel Rahn de L'Oiseau de feu, créée par le Ballet du Capitole en 1996, est dominée par le formidable décor de scène que réalisa pour l’occasion l’artiste plasticien Jean-Paul Marcheschi. Composée de milliers de feuilles d’écolier juxtaposées, travaillées par l’artiste en vraie grandeur avec son «pinceau de feu», cette vaste vision nocturne, à la fois sombre et lumineuse, nous saisit  d’emblée et dépasse de beaucoup le statut de décor. Les lumières de Patrick Méeüs lui donnent sa vie propre. La couleur rouge, seule couleur autorisée dans cette univers de fumée et de suie, est associée aux forces maléfiques du magicien Kastcheï.

kazbek akhmedyarov ivan juliana bastos la princesse
Kazbek Akhmedyarov (Ivan) et  Juliana Bastos (La Princesse) dans L'Oiseau de feu (chor. Michel Rahn)


Jean-Paul Marcheschi  a conçu également les costumes, et les créatures rampantes de Kastcheï qui envahissent le plateau semblent formées du même matériau «de feu et de nuit». Devant ce cadre, on aurait pu s’attendre à un langage chorégraphique plus audacieux. Celui, très classique, de Michel Rahn, fidèle à l’argument d’origine, a l’immense avantage d’être toujours aussi parfaitement musical que lisible dramatiquement, en s’adaptant au caractère de chaque personnage. La vivacité légère de l’Oiseau s’oppose à la pudique féminité des Princesses captives et à la noble témérité du prince Ivan.

kazbek akhmedyarov ivan evelyne spagnol l oiseau
Kazbek Akhmedyarov (Ivan) et  Evelyne Spagnol (L'Oiseau) dans L'Oiseau de feu (chor. Michel Rahn)

Evelyne Spagnol en Oiseau fait valoir un métier très sûr. Son pas de deux avec le Prince est un grand moment de danse. Les belles Juliana Bastos et Paola Pagano alternent dans le rôle de la Princesse. La complicité que Paola Pagano présente avec son partenaire Valerio Mangianti s’est affirmée depuis la saison dernière, ce qui est très prometteur pour l’avenir. Quant à Kazbek Akhmedyarov, sa danse noble est idéale dans les rôles de princes. Signalons également les belles prestations de Lucille Robert et surtout de Magali Guerry en Princesses.

La création du Sacre du printemps en 1913 a fait date dans l’histoire de la musique et de la danse. Encore aujourd’hui, on a peine à réaliser qu’il ne s’est écoulé que trois ans depuis l’Oiseau de feu. Ce thème du rite païen de la renaissance par le sacrifice a inspiré nombre de chorégraphes depuis Nijinski. La version de Mauricio Wainrot s’inscrit parmi celles qui ont cherché à approfondir le mythe, le rendant plus intemporel.

le sacre du printemps mauricio wainrot
Le Sacre du Printemps, chor. Mauricio Wainrot

Un groupe d’hommes et de femmes, habillés simplement, évoluent en meute, tantôt séparément, tantôt ensemble. Seuls se distinguent un chef et une femme (une prêtresse?), aux pouvoirs supérieurs. Tous les deux semblent observer avec une grande attention l’évolution de la tribu. Les mouvements sont brutaux et dégagent beaucoup de force. Pendant la danse des jeunes filles, et après plusieurs hésitations, la femme choisit enfin l’Elue. Celle-ci sera purifiée dans une baignoire. On est ici très proche d’un baptême initiatique. L’Elue sera par la suite couverte de tâches de peinture, appliquées par les membres de la tribu. Une danse effrénée débouchera inexorablement sur le sacrifice final, prélude au renouveau nécessaire pour le groupe.

ljuliette thelin l elue le sacre du printemps mauricio wainrot
Juliette Thélin (l'Elue) dans Le Sacre du Printemps (chor. Mauricio Wainrot)

Maria Gutierrez, titulaire habituelle du rôle de l’Elue, mais blessée, est remplacée par Juliette Thélin qui assure toutes les représentations. Celle-ci se révèle complètement par ce rôle et sa danse frénétique, violente et hallucinée imprime pour longtemps nos mémoires. Paola Pagano et Valerio Mangianti forment un couple de chefs impressionnants de présence et d’autorité. Valerio Mangianti nous avait déjà démontré dans Liens de table de Kader Belarbi, et dans The Moor’s Pavane de José Limon, combien il est insurpassable dans ce type de rôle. Par comparaison, Ina Lesnakowski et Kazbek Akhmedyarov, trop jolis, trop gentils, affaiblissent quelque peu le propos d’ensemble.

Malgré les réserves d’ordre musical que l’on peut émettre, ce spectacle ne déroge pas à la tradition de qualité que l’on exige à présent de la part du Ballet du Capitole. La création très attendue de Alice au pays des merveilles en fin d’année saura-t-elle s’adapter à l’architecture particulière de la Halle aux grains?





Jean-Marc Jacquin © 2010, Dansomanie




L'Oiseau de feu
Chorégraphie :  Michel Rahn
Musique :  Igor Stravinsky
Décors et costumes :  Jean-Paul Marcheschi
Lumières : Patrick Méeüs

L’Oiseau de feu 
Evelyne Spagnol
Le Prince Ivan 
Kazbek Akhmedyarov (1), Valerio Mangianti (2) 
La Princesse 
Juliana Bastos (1), Paola Pagano (2)
Kastcheï L'Immortel 
Henrik Victorin
Les Serviteurs d’Ivan
Davit Galstyan, Hugo Mbeng


Le Sacre du printemps
Chorégraphie :  Mauricio Wainrot
Musique :  Igor Stravinsky
Décors et costumes :  Carlos Gallardo
Lumières : Patrick Méeüs

L’Elue 
Juliette Thélin
La Femme 
Paola Pagano (1) / Ina Lesnakowski (2)
Le Chef  
Valerio Mangianti (1), Kazbek Akhmedyarov (2)


Musique enregistrée

Jeudi 7 octobre 2010 / Vendredi 8 octobre 2010, 20h00,  Halle aux  grains, Toulouse


http://www.forum-dansomanie.net
haut de page