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Ballet du Capitole de
Toulouse
25 avril 2019 : La Bête et la Belle (Kader Belarbi) au Théâtre
du Capitole
Natalia de Froberville (La Belle)
Avec La Bête et la Belle, Kader Belarbi nous renvoie tout près de l’univers de son Casse-Noisette,
créé il y a deux ans au Capitole. Les rapproche en
premier lieu un parti pris franchement narratif, où une jeune
héroïne tient le premier rôle. Le pensionnat pour
orphelins où s'inscrivait la partition de Tchaïkovski a
laissé la place à une chambre d’adolescente au
papier peint fleuri de roses. On retrouve la grande armoire aux jouets,
lieu de passage entre réalité et rêve. Ici elle
déverse en s’ouvrant des flots de peluches et de doudous,
qui vont servir de point de départ à l’imagination
la plus débridée. Par dessus tout, le déroulement
des deux ballets fait défiler devant nous un catalogue de
fantasmes en séries, illustrés par des personnages
cauchemardesques ou loufoques, animaux anthropomorphes aux intentions
vagues envers notre jeune protagoniste, ou bien au contraire
très précises. Créée en 2005 par les Grand
Ballets canadiens de Montréal, cette adaptation très
libre du conte de Madame Leprince de Beaumont souligne au fil de ses
reprises ses sous-entendus psychanalytiques, pour ne pas dire sexuels,
renouant ainsi ses liens avec le mythe antique d’Eros et
Psyché. Mais à travers l’inversion du titre,
c’est aussi l’animalité en chacun de nous qui est
interrogée, dans une démarche d'archéologue de
l'inconscient, en même temps que s'opère un travail de
conscience de soi pour tous les danseurs du Ballet du Capitole, selon
les mots de Kader Belarbi.

Davit Galstyan (La Bête)
C’est
la talentueuse décoratrice Valérie Berman, trop
brutalement disparue, qui a donné corps à cet univers
fantasmagorique. Créatures aux bras ou au cou
démesurés, girafe, grues, autruches, queues de couleuvres
ou queues de cobras, toute cette ménagerie monstrueuse sort tour
à tour de l’armoire ou d’un cadre vide pour envahir
la scène, puis danser un menuet sur une suite de Daquin.
Symbolisant tour à tour sensualité, beauté,
sexualité, violence, plusieurs figures se font suite entre deux
apparitions de la Bête: une girafe déguisée en
souteneur, un effrayant vautour de cauchemar, un cygne aux belles
ondulations. Dans ce contexte de «fantasy», la Bête
de Davit Galstyan apparaît paradoxalement (ou non) la plus
humaine des créatures, évoquant davantage un
séduisant Mr Hyde , plutôt qu’un monstre repoussant.
Natalia de Froberville (La Belle), Davit Galstyan (La Bête)
Acclamé par une horde de fans surexcités, le superbe «toroador»
fait son entrée : un Elvis Presley de discothèque
à qui rien ne manque, de la banane aux rouflaquettes, sans
oublier le costume blanc pailleté, mettant en évidence
une proéminence bien virile. De plus en plus entreprenant
auprès de la Belle, il tente même de la violer. La finesse
de la danse de Philippe Solano tranche ici bizarrement avec la
vulgarité affichée du personnage. L'occasion est
idéale pour la Bête, qui n'est jamais très loin, de
faire montre de sa générosité et de sa grandeur
d'âme..
Philippe Solano («Toroador»)
Entre curiosité et peur, entre désir et répulsion,
entre espièglerie et gravité, Natalia de Froberville
incarne la jeune fille. Presque toujours sur scène, elle y
déploie tout une palette de sentiments qui donnent vie à
un tableau parfois répétitif. Performance physique autant
qu'artistique. Les pas de deux des deux héros rythment le ballet
comme des points d'étape de l'évolution de leur relation.
Ceux qui concluent chacun des deux actes, au son du trio pour cor,
violon et piano de Ligeti, forment le meilleur de la
chorégraphie, malgré des mouvements au sol trop
prédominants. On regrettera au passage que Kader Belarbi
n’ait pas jugé possible de conserver le passage où
certains danseurs se lançaient sur les pointes, épisode
étonnant et drolatique parmi d'autres.
Natalia de Froberville (La Belle), Davit Galstyan (La Bête)
La
deuxième partie du ballet montre une nette séparation
entre le monde des humains et celui des animaux. Malgré le beau
paysage de forêt et les paisibles chants d'oiseaux qui ouvrent le
tableau, l'atmosphère se révèlera plus tendue, et
surtout bien plus empreinte de cruauté. L'armoire est toujours
là sur le côté et c'est une chasse à courre
en grand équipage qui en sort. La Bête sera la victime
désignée, impitoyablement traquée,
pourchassée par une meute de dessin animé,
blessée, emprisonnée sous une nasse, puis
sacrifiée malgré le secours implorant de la Belle. Au
bout de l'aventure, celle-ci en ramènera la dépouille
dans sa chambre retrouvée, la cachant tel un trésor
secret dans l'armoire, libérée et transformée
apparemment par son rêve initiatique.
Jean-Marc
Jacquin © 2018, Dansomanie
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Natalia de Froberville (La Belle), Jérémy Leydier (La Girafe)
La Bête et la Belle
Musique
: Louis-Claude Daquin, Joseph Haydn, György Ligeti, Maurice Ravel
Chorégraphie
et mise en scène : Kader Belarbi
Argument : Josseline Le Bourhis, Kader Belarbi,
librement adapté du conte La Belle et la Bête de Madame Leprince de Beaumont
Décors et costumes
: Valérie Berman
Lumières
: Marc Parent
La Bête – Davit Galstyan
La Belle – Natalia de Froberville
Le «Toroador» – Philippe Solano
Le Cygne – Rouslan Savdenov
Le Vautour – Minoru Kaneko
La Girafe – Jérémy Leydier
Ballet du Capitole
de Toulouse
Musique enregistrée
Jeudi 25 avril 2019,
Théâtre du Capitole, Toulouse
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