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Matthew Golding, Principal au Royal Ballet (Londres)
22 mars 2014 : Matthew Golding, une carrière en sept questions
Né
au Canada en 1985, Matthew Golding, à bientôt trente ans,
a une carrière déjà fort remplie à son
actif. Après un parcours brillant qui l'a mené de la
Nouvelle Amsterdam - New York - à l'ancienne, sur les rives de
l'Amstel, au Het Nationale Ballet, il vient de poser ses valises
à Londres, un contrat de Principal au Royal Ballet à la
clé. A l'occasion du Gala des Etoiles de Bruxelles 2014,
où il étrennait un nouveau partenariat avec Natalia
Ossipova, star de la danse russe elle aussi récemment
recrutée par Covent Garden, Matthew Golding a très gentiment accepté de répondre à nos questions.
La danse, ça a commencé comment pour vous?
Je
suis Canadien, alors, j'ai commencé par jouer au hockey! A
l'âge de sept ans, on m'a enlevé un rein et le
médecin m'a dit que les sports de contact, c'était fini
pour moi. Avec un seul rein, pour éviter des complications, il
me fallait essayer d'autres activités, mais pas aussi brutales
pour le corps. J'ai commencé à faire de la gymnastique,
mais je n'avais pas un corps fait pour ça, j'étais trop
longiligne, et faire des acrobaties, au fond, ça ne
m'intéressait pas vraiment. Je ne sais pas, peut-être que
j'avais peur du vide. Et puis j'ai vu ma mère danser et je me
suis mis moi aussi à la danse parce que j'ai vu un garçon
danser sur scène, il était entouré de quelque
chose comme trente filles, et là, je me suis dit que ce type
savait faire des trucs que la plupart des garçons ignoraient.
J'étais aussi très branché musique. J'adorais
Michael Jackson. Je voulais faire du hip-hop, de la danse dans le style
Broadway... Finalement, je suis entré dans une école de
danse classique, j'avais treize ans.
J'ai dû voir mon premier ballet vers dix-onze ans, c'était Casse-noisette,
mais pour être honnête, dans la province du Saskatchewan,
il n'y avait pas grand chose du point de vue cours de danse et
compagnies de ballet. Le Royal Winnipeg Ballet, vous savez, c'est une
compagnie nationale au Canada... C'est seulement à partir de
treize ans, quand j'ai commencé mes études, que j'ai
vraiment commencé à voir des ballets.
J'ai donc passé un an à l'école du Royal Winnipeg
Ballet, puis deux ans à Washington DC, à la Kirov Academy
(connue aussi sous le nom de Universal Ballet Academy). C'est à
ce moment-là que j'ai décidé de participer
à des concours, notamment au Prix de Lausanne.
Que
pensez-vous justement des compétitions - de l'importance
qu'elles ont eue dans votre carrière ou qu'elles ont dans celle
des jeunes danseurs en général?
En fait, pour moi, les compétitions, ça a plus
été les claquettes, le jazz ou le théâtre
musical que le ballet proprement dit. Grâce à ça,
j'ai appris très jeune ce qu'était la scène. De
l'âge de huit ans jusqu'à l'âge de treize ans, j'ai
participé à pas mal de compétitions au Canada :
claquettes, jazz, des petits concours de danse... Le Prix de Lausanne,
le Youth America Grand Prix, je pense que ça représentait
surtout une chance pour moi de me montrer, d'entrer en contact avec des
directeurs d'écoles, d'avoir accès à d'autres
écoles. C'est pour ça que j'ai participé à
ces compétitions. Mais c'est moi seul qui l'ai
décidé. Mes professeurs ne voulaient pas! Un de mes profs
m'a dit : «si tu y vas, tu ne gagneras pas, il vaut mieux que tu
fasses encore quelques années à l'école et tu iras
plus tard», j'ai répondu : «très bien, mais
il y a une limite d'âge, alors si je n'y vais pas
maintenant...». Bon, pour être honnête, je voulais
changer d'école. Je voulais aller au Royal Ballet.
C'était mon rêve. Mais je n'ai pas reçu beaucoup de
soutien de mes profs quand j'ai pris la décision de participer
à des compétitions. Pourtant, après ma
participation à Lausanne, où j'ai été
lauréat, l'école a commencé à y envoyer
davantage de candidats. Bref, je ne dirais pas que ma formation de
danseur a commencé avec Lausanne ou le YAGP, mais en tout cas,
c'est vraiment quelque chose qui m'a ouvert des portes, qui me fait
dire que, oui, tout le monde, enfin tous ceux qui travaillent et ont un
rêve, ont la possibilité de participer et de gagner. Il
suffit au fond de travailler dur et d'être là au bon
moment. J'ai rencontré pas mal de jeunes danseurs
récemment, des danseurs à présent bien plus jeunes
que moi, et je crois qu'ils partagent cette idée : le monde de
la danse est grand et il faut savoir partir et tenter sa chance
ailleurs pour apprendre et réaliser son rêve. Moi j'ai
obtenu une bourse de formation pour la Royal Ballet School – la
fille devant moi a été prise comme stagiaire dans la
compagnie - j'y ai été formé, j'en suis sorti
diplômé à dix-sept ans, et maintenant, c'est ma
nouvelle compagnie.
Pourquoi n'avez-vous pas rejoint le Royal Ballet à la sortie de l'école?
J'ai
remporté le Youth America Grand Prix et j'ai obtenu un contrat
avec l'American Ballet Studio Company. Ils ont décidé que
je ferai un an à la Royal Ballet School et qu'ensuite je
rejoindrai l'ABT Studio Company. J'y ai passé quatre ans, deux
ans dans la compagnie junior, deux ans dans la compagnie principale.
Vous avez quand même été membre de pas mal de compagnies. Vous aimez le changement?
C'est une question d'opportunités. Quand on vous fait une offre,
vous pouvez refuser, mais vous pouvez aussi vous dire «pourquoi
pas?», si cela vous permet de danser davantage. J'ai beaucoup
appris en regardant les autres - et je continue d'apprendre beaucoup
ainsi. A l'ABT, j'ai vu des spectacles géniaux, j'adore cette
compagnie, mais le truc, c'est que moi, je voulais danser, je tenais
à monter sur scène pour danser, simplement danser. Je ne
pouvais pas passer mon temps à regarder. Et lorsque Angel
Corella a monté sa compagnie en Espagne, je l'ai suivi. Je
devenais soudain une sorte d'«apprenti principal», avec des
rôles de soliste. J'ai pris un risque, mais avec une belle
récompense en termes d'expérience scénique. J'ai
choisi une plus petite compagnie, mais une compagnie qui me donne la
possibilité de danser et pas seulement de regarder. Cela m'a
permis de me forger une expérience, d'avoir davantage confiance
en moi, d'accroître mon savoir et ma passion pour mon
métier. Tout peut s'améliorer, mais il n'y a que
l'expérience de la scène qui vous le permet. C'est mon
avis. Et c'est pour cela que je suis passé d'une compagnie
à l'autre.
Ensuite, je suis revenu à New York pour un gala. Et là,
le directeur du Het Nationale Ballet [Ted Brandsen] m'a vu. Il m'a dit
qu'il cherchait un danseur principal pour sa compagnie et il m'a
proposé de la rejoindre. C'est là que les choses
sérieuses ont commencé pour moi. Ma carrière
s'ouvrait. Ted m'a fait confiance et il m'a tout donné : tous
les rôles classiques, toutes les créations, Alexeï
Ratmansky, Christopher Wheeldon, Paul Lightfoot et Sol Leon – les
chorégraphes du NDT -, Hans van Manen... J'ai travaillé
avec vraiment beaucoup de gens. Ted m'a donné la
possibilité de danser tout ce dont je rêvais depuis
toujours. Au Het, je suis resté cinq ans, mais je continue
toujours d'y danser en tant qu'invité. Les relations ont
toujours été très ouvertes avec mon directeur
à Amsterdam. Je suis diplômé de la Royal Ballet
School et lorsque j'ai été à Londres comme «
danseur invité », on a continué à entretenir
ces bonnes relations. Les souvenirs avec le Het sont là et ils
continuent, puisque j'y retourne toujours faire des Cendrillon, des Lac des cygnes... Je pense que Natacha Ossipova et moi participerons au gala d'ouverture à Amsterdam la saison prochaine en septembre.
Et pourquoi le Royal Ballet maintenant?
J'ai
toujours été curieux, j'ai toujours eu envie
d'étendre mon répertoire et de danser les ballets de
MacMillan. Je suis un grand fan du style, du chorégraphe... Je
pense qu'il représente le patrimoine de la compagnie, ce qu'elle
a de mieux à offrir. D'autre part, ma famille est d'origine
anglaise. Ma grand-mère était anglaise. J'ai toujours de
la famille en Angleterre dont je suis assez proche. C'est donc un peu
comme retourner à la maison. Ce que je peux dire, c'est que les
choses ont été très cordiales entre la direction
du Royal Ballet et celle du Het Nationale Ballet. Tout a
été mis sur la table. Ted sait que j'aime les deux
endroits, Londres et Amsterdam, alors on s'est accordés.
C'était le meilleur choix pour moi.
Il y a aussi tous ces danseurs qui m'ont fait rêver : Anthony
Dowell, David Wall, Noureev... Et pour la génération plus
récente, ceux que j'ai vus sur scène : Jonathan Cope,
Carlos Acosta.... Carlos Acosta, surtout, a eu une énorme
influence sur nous tous, jeunes danseurs. Carlos était mon
idole et il l'est toujours d'ailleurs. C'est quelqu'un qui a fait
tellement de choses, il est une inspiration pour moi. Il est aussi
l'une des raisons pour lesquelles j'ai voulu rejoindre le Royal Ballet.
Alors se retrouver dans la même compagnie que lui, pouvoir
être coaché par lui, dans un studio, pour sa production de
Don Quichotte,
c'est vraiment un rêve. On va d'ailleurs danser prochainement le
ballet avec Natacha Ossipova à Shanghai, en tournée avec
la compagnie.
Natalia Ossipova va-t-elle devenir une partenaire régulière pour vous au Royal Ballet?
Je
suis très heureux de danser avec elle. On prend les spectacles
l'un après l'autre, les productions l'une après l'autre.
Là, pour ce gala [à Bruxelles], c'est notre
première fois ensemble, avant nos débuts dans La Belle au bois dormant
la semaine prochaine [27 mars 2014, ndlr.]. Je suis fan d'elle, je le
suis depuis longtemps en tant que simple spectateur. Alors danser et
travailler ensemble, être à la fois amis et partenaires,
c'est une belle expérience. J'espère que ce partenariat
va connaître un bon développement. On va voir ce qu'on va
faire ensemble la saison prochaine. Mais il faut donner du temps
à tout cela.
Dans la presse, on vous compare souvent à Brad Pitt. Ça vous flatte ou vous en avez assez?
Qu'est-ce que je peux dire? Que c'est horrible?... [rires] Non, ça va, je ne peux pas me plaindre!
Matthew Golding - Propos recueillis et retranscrits par B. Jarrasse
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Entretien
réalisé en anglais le 22 mars 2014 - Matthew Golding © 2014,
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