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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22091
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Posté le: Jeu Mar 31, 2022 9:01 am Sujet du message: |
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La nouvelle saison du Het Nationale Ballet : https://www.youtube.com/watch?v=PhTiSmOkMN4
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paco
Inscrit le: 28 Oct 2005 Messages: 3569
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Posté le: Dim Avr 03, 2022 9:00 pm Sujet du message: |
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Amsterdam était incontestablement « the place to be » ce dimanche après-midi, pour le lancement de la nouvelle production de Raymonda du Dutch National Ballet ... Même Kevin O’Hare avait fait le déplacement depuis Londres. Au foyer on croisa également Federico Bonelli et son épouse, ainsi qu’une poignée de danseurs du Royal Ballet, et probablement d’autres compagnies européennes (dont je reconnais moins facilement les visages, étant assidu au RB).
Radieuse, la chorégraphe Rachel Beaujean se paya le luxe d’arborer une tenue différente au foyer et aux saluts, d’une grande élégance dans les deux cas. Radieuse elle a raison de l’être, car cette Raymonda est une réussite.
C’est une production bien construite, d’un classicisme assumé dans sa chorégraphie. La seule bizarrerie est l’effacement total du rôle de Jean de Brienne, réduit au seul premier acte (et encore, seulement une partie de cet acte) et à une apparition à la fin du 2e acte, juste pour se faire rembarrer : ici, c’est Abderrahman qui gagne définitivement la partie, ... et qui danse le grand Pas de Deux du 3e acte ! A vrai dire, je ne suis pas convaincu par ce parti pris, qui retire beaucoup de l’ambiguïté des situations qui fait la richesse de cette oeuvre : ici, finalement « tout est bien qui finit bien », Raymonda se marie avec celui qui la séduit le plus. Un peu « cheap » comme approche. Mais pas au point de gâcher le plaisir d’une représentation par ailleurs très réussie.
Réussite visuelle pour commencer : décors aux lignes épurées, élégantes, tons jouant sur les blancs, argents, nuances de gris, que viennent relever çà et là une touche de couleur, comme un tutu rouge par exemple : évitant une esthétique gothique qui peut vite devenir surchargée, les artisans de cette Raymonda ont plutôt joué la carte de la sobriété et de la lumière, créant pour chaque acte des écrins élégants et d’une grande beauté. Les costumes sont particulièrement soignés eux aussi, jusqu’à ces argentés éclatants pour l’ensemble final au 3e acte.
La force incontestable de la chorégraphie de Rachel Beaujean est la lisibilité de l’action, auquel s’ajoute un très beau travail des variations de divertissement, chacune d’entre elles étant conçue autour de son identité musicale propre. Tout, dans cette Raymonda, coule de source et permet de se laisser entraîner dans l’histoire.
Malgré une partition luxuriante, somptueuse (magnifiquement interprétée ici par le Dutch National Ballet Orchestra), Raymonda peut vite s’avérer un tantinet longuet (ce fut le cas, à mon sens, de la production de la Scala). Or, ici on ne sent pas passer les 3 heures de spectacle, bien au contraire on en redemande : la force de cette production est de nous tenir en haleine sans un seul temps mort, grâce à une pantomime bien travaillée et à une grande variété des chorégraphies pour les divertissements.
Pour la première cet après-midi, Raymonda était interprétée par Maia Makhateli. Belle danse classique, techniquement impeccable, et personnalité attachante. Sa pantomime est évidente, elle entraîne le public dans son histoire avec beaucoup de naturel et s’impose comme un beau diamant tout au long de la représentation. Son partenaire Abderrahman était Young Gyu Choi : je découvrais ce danseur, au physique râblé comme un cubain et à la bouille fichtrement sympathique, presque trop alors qu’on s’attendrait à ce que Abderrahman exerçât une attraction plus ténébreuse. Sa danse est puissante, assez éblouissante, avec des ménages spectaculaires et bien maîtrisés, lui valant un véritable triomphe au rideau final. Dans le rôle ici plus « secondaire » de Jean de Brienne, Semyon Velichko est impeccable : style classique très pur, élégance.
J’ai aussi été ébloui par plusieurs variations de divertissement exécutées par diverses solistes féminines de la compagnie, toutes à la fois brillantes techniquement et débordant de personnalité. Malheureusement, n’ayant pas eu de feuillet de distribution à l’entrée, je suis incapable de savoir qui dansait.
Le corps de ballet, en revanche, n’était pas tout à fait prêt, il y a encore pas mal de travail de synchronisation à effectuer. On devine qu’il n’est pas aussi spontané de retenir 3 heures d’une nouvelle chorégraphie, comparé à un énième Casse-Noisette inscrit au répertoire de la compagnie depuis des années. Il faudra donc probablement laisser aux danseurs le temps de s’approprier ce nouveau ballet. Là, dans les ensembles il y avait des hésitations, les alignements étaient approximatifs, bref on sentait qu’on était encore en période de rodage. Nul doute que ce sera plus « digéré » et fluide pour le streaming.
En tous cas, cette nouvelle Raymonda est globalement une réussite. Espérons que la compagnie l’inscrira durablement à son répertoire.
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Enya
Inscrit le: 26 Aoû 2005 Messages: 1061
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Posté le: Lun Avr 04, 2022 5:06 am Sujet du message: |
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Merci Paco pour votre reportage~
paco a écrit: |
C’est une production bien construite, d’un classicisme assumé dans sa chorégraphie. La seule bizarrerie est l’effacement total du rôle de Jean de Brienne, réduit au seul premier acte (et encore, seulement une partie de cet acte) et à une apparition à la fin du 2e acte, juste pour se faire rembarrer : ici, c’est Abderrahman qui gagne définitivement la partie, ... et qui danse le grand Pas de Deux du 3e acte ! A vrai dire, je ne suis pas convaincu par ce parti pris, qui retire beaucoup de l’ambiguïté des situations qui fait la richesse de cette oeuvre : ici, finalement « tout est bien qui finit bien », Raymonda se marie avec celui qui la séduit le plus. Un peu « cheap » comme approche. Mais pas au point de gâcher le plaisir d’une représentation par ailleurs très réussite. |
L'année dernière, lors de la partie d’émission du Dutch National Ballet pendant le ‘World Ballet Day’, il y avait un entretien court avec la chorégraphe Rachel Beaujean. Elle a dit qu’il y aurait une grosse adaptation du synopsis de ce ballet du point de vue contemporain au lieu de celui de l’époque médiévale, que Raymonda n’était pas nécessairement fidèle à son fiancé Jean de Brienne qui était parti pour la guerre de la Croisade, qu’elle ne savait jamais qu’il pouvait revenir ou non, qu’Abderrahman était riche et beau et charme et séduisant et disponible, que pourquoi Raymonda ne pouvait pas choisir Abderrahman... etc., et voilà la bizarrerie de cette production en comparaison avec celle de la version traditionnelle...
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paco
Inscrit le: 28 Oct 2005 Messages: 3569
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Posté le: Lun Avr 04, 2022 9:28 am Sujet du message: |
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Enya a écrit: |
Merci Paco pour votre reportage~
paco a écrit: |
C’est une production bien construite, d’un classicisme assumé dans sa chorégraphie. La seule bizarrerie est l’effacement total du rôle de Jean de Brienne, réduit au seul premier acte (et encore, seulement une partie de cet acte) et à une apparition à la fin du 2e acte, juste pour se faire rembarrer : ici, c’est Abderrahman qui gagne définitivement la partie, ... et qui danse le grand Pas de Deux du 3e acte ! A vrai dire, je ne suis pas convaincu par ce parti pris, qui retire beaucoup de l’ambiguïté des situations qui fait la richesse de cette oeuvre : ici, finalement « tout est bien qui finit bien », Raymonda se marie avec celui qui la séduit le plus. Un peu « cheap » comme approche. Mais pas au point de gâcher le plaisir d’une représentation par ailleurs très réussite. |
L'année dernière, lors de la partie d’émission du Dutch National Ballet pendant le ‘World Ballet Day’, il y avait un entretien court avec la chorégraphe Rachel Beaujean. Elle a dit qu’il y aurait une grosse adaptation du synopsis de ce ballet du point de vue contemporain au lieu de celui de l’époque médiévale, que Raymonda n’était pas nécessairement fidèle à son fiancé Jean de Brienne qui était parti pour la guerre de la Croisade, qu’elle ne savait jamais qu’il pouvait revenir ou non, qu’Abderrahman était riche et beau et charme et séduisant et disponible, que pourquoi Raymonda ne pouvait pas choisir Abderrahman... etc., et voilà la bizarrerie de cette production en comparaison avec celle de la version traditionnelle... |
Cette approche affadit l'oeuvre à mon avis, la transforme en une bluette. Par ailleurs, elle vient en contradiction avec l'ouverture orchestrale du 3e acte, somptueuse symphonie tourmentée, qui dit bien que tout n'est pas si "happy end" dans ce ballet.
Mais fort heureusement il s'agit de la seule entorse de cette production, car pour le reste on est bien dans une interprétation classique, tant visuellement que sur le plan de la chorégraphie.
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22091
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Posté le: Lun Avr 04, 2022 9:47 am Sujet du message: |
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C'est bien en phase avec l'esprit du temps... mais toujours moins ridicule que la complète réécriture du livret façon ENB.
Merci Paco pour ce compte rendu. Les photos et petites vidéos (de Maria Chugai il me semble) vues ici ou là donnent plutôt envie.
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CatherineS
Inscrit le: 09 Mai 2015 Messages: 1491
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Posté le: Lun Avr 04, 2022 12:03 pm Sujet du message: |
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Personnellement ça ne me choque pas, j'ai toujours eu l'impression que certaines Raymonda semblaient plus sous le charme d'Abderam que du falot Jean de Brienne. |
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haydn Site Admin
Inscrit le: 28 Déc 2003 Messages: 26532
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Posté le: Lun Avr 04, 2022 12:56 pm Sujet du message: |
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Merci Paco pour votre long compte-rendu.
Pour une fois je vais être d'accord avec Catherine S, notamment dans la version Noureev, on a vraiment l'impression, au 2ème acte, que Raymonda a très envie que ce soit Abderam qui sorte vainqueur du combat avec Jean de Brienne, et qu'elle rêve secrètement de s'enfuir avec le bel oriental... Je l'avais déjà écrit sur Dansomanie, quand Maria Alexandrova avait été invitée pour danser Raymonda à Paris, elle n'avait d'yeux que pour Stéphane Bullion / Abderam, délaissant complètement son complice du Bolchoï, Alexander Volchkov, qui incarnait Jean de Brienne... |
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Enya
Inscrit le: 26 Aoû 2005 Messages: 1061
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Posté le: Lun Avr 04, 2022 2:55 pm Sujet du message: |
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Dans les versions chez le Mariinsky et chez le Bolshoi, Abderam est bien sûr un rôle méchant, pas de problème que Raymonda le refuse.
Mais lorsque je regarde le film documentaire sur la version de Noureev chez l’ONP - Dancer’s Dream Raymonda, là, il y a plusieurs Abderams, interprétés par Jean Guizerix, Laurent Hilaire et Wilfred Romoli, et puis dans quelques vidéos par Nicolas Le Riche, Karder Belarbi, etc., avec beaucoup de diversités. Je trouve que la personnalité d’Abderam peut être totalement différente, par exemple, il est difficile de dire que Abderam/Hilaire est méchant, en revanche, il est trop mystérieux et charmant et séduisant, donc logiquement il est très difficile pour Raymonda (si je serais elle ) de refuser la séduction d’Abderam/Hilaire. Mais pour les autres Abderams/danseurs, je trouve que ce n’est pas le cas. Ça dépend qui interprète Abderam avec quelle manière d’interprétation.
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paco
Inscrit le: 28 Oct 2005 Messages: 3569
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Ballerina
Inscrit le: 01 Juin 2016 Messages: 1596
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Posté le: Lun Avr 04, 2022 4:53 pm Sujet du message: |
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Je trouve que ça dépend également de la ballerine qui interprète Raymonda.
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Enya
Inscrit le: 26 Aoû 2005 Messages: 1061
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Posté le: Lun Avr 04, 2022 5:06 pm Sujet du message: |
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@paco, bah oui, Tsvirko, tout-à-fait d’accord.
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22091
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Posté le: Lun Avr 04, 2022 6:03 pm Sujet du message: |
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Grigorovitch a étoffé le personnage d'Abderrahmane par rapport à la version classique de Petipa (rôle de pantomime). Comme souvent dans ses chorégraphies, le personnage du *vilain* est le plus intéressant et se prête idéalement aux interprétations enflammées des danseurs du Bolchoï. Il n'y a qu'un pas dès lors pour que le personnage se dote d'une aura de noire séduction - au sens romantique - sans pour autant rompre avec l'intrigue originale. Gediminas Taranda, par exemple, est génial dans la vieille version filmée avec Bessmertnova, et sa mort a une certaine grandeur tragique, alors même qu'il est censé incarner le *méchant*.
La tendance, relayée par certains professionnels, à ne voir dans les ballets anciens que stéréotypes et clichés (raciaux et/ou de genre), est d'une grande pauvreté intellectuelle, mais sert à justifier des relectures qui ne volent pourtant pas plus haut que les traditions qu'elles prétendent renouveler.
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paco
Inscrit le: 28 Oct 2005 Messages: 3569
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sophia
Inscrit le: 03 Jan 2004 Messages: 22091
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paco
Inscrit le: 28 Oct 2005 Messages: 3569
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Posté le: Ven Avr 08, 2022 9:51 am Sujet du message: |
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Rachel Beaujean explique que le chef d'orchestre a changé juste avant la première et qu'il a fallu retravailler les tempi par endroits. Ce qui peut expliquer les flottements que j'ai sentis dans les ensembles dimanche dernier. Les représentations suivantes ont probablement été stabilisées.
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